Un instant...

De Queneau à Oupoco


Le projet Oupoco tire son inspiration de l’ouvrage de Raymond Queneau Cent mille milliards de poèmes, paru en 1961.

« L'objet-livre de Queneau, mis en page par Robert Massin, offre au lecteur un instrument qui lui permet de combiner des vers de façon à composer des poèmes respectant la forme du sonnet : deux quatrains suivis de deux tercets, soit quatorze vers (…) Le livre peut être vu comme composé de dix feuilles, chacune séparée en quatorze bandes horizontales, chaque bande portant sur son recto un vers. Le lecteur peut donc, en tournant les bandes horizontales comme des pages, choisir pour chaque vers une des dix versions proposées par Queneau. Les dix versions de chaque vers ont la même scansion et la même rime, ce qui assure que chaque sonnet ainsi assemblé est régulier dans sa forme. » (Wikipedia). Selon les mots mêmes de Queneau dans sa préface, « Ce petit ouvrage permet à tout un chacun de composer à volonté cent mille milliards de sonnets, tous réguliers bien entendu. C’est somme toute une sorte de machine à fabriquer des poèmes, mais en nombre limité ; il est vrai que ce nombre, quoique limité, fournit de la lecture pour près de deux cents millions d’années (en lisant vingt-quatre heures sur vingt-quatre). »

L'idée de Queneau a très vite donné lieu à des implémentations informatiques. Queneau lui-même, avec l'Oulipo, a pu examiner une telle réalisation dès la parution du livre, grâce à une collaboration avec une équipe d'IBM, sans être convaincu par le résultat. Les Archives de l'Oulipo révèlent que c'est l'aspect mécanique et aléatoire de la sélection automatique qui a rebuté Queneau. Visiblement, pour Queneau, son livre est un "ouvroir de poésie", c'est-à-dire un objet permettant de créer des poésies en combinant des vers existants, mais l'oeil du lecteur, de celui qui manipule le livre, est essentiel. Il ne s'agit pas de générer au hasard, mais de composer un poème en combinant et en choisissant soigneusement les vers parmi ceux existants et toujours sous l'oeil attentif du lecteur, qui est en même temps poète grâce au dispositif mis au point.

L’ouvrage de Queneau existe sous forme papier. Il est encore sous droit d'auteur, ce qui interdit de l'utiliser pour une exploitation en ligne, même si des versions informatisées de l'ouvrage de Queneau peuvent être trouvées en ligne (malgré ce que l'on sait de Queneau sur ce genre de tentatives !). Il est vrai que la version papier de l’ouvrage est de fait plutôt difficile à manipuler. Il s’agit davantage d’une idée, d’un « concept » amusant que d’un ouvrage destiné à la lecture mais il est évidemment qu’une édition fonctionnelle sur support informatique serait extrêmement intéressante et même souhaitable d’un certain point de vue. 

S'il n'est pas possible de reprendre les poèmes de Queneau, il est en revanche tout à fait possible de s'inspirer de son approche. Ainsi, l'idée de repartir d'un ensemble de sonnets français et de les recombiner en veillant évidemment aux questions de rime et d'assonance... La présence d'un ensemble de contraintes manipulables par l'utilisateur est aussi une réponse aux réticences de Queneau : Oupoco n'est pas simplement un générateur automatique, il fonctionne aussi et surtout de manière interactive, en fonction des contraintes apportées par l'uilisateur.